Atelier Phénix

On dit souvent qu’un snowboard prend vie sur la neige.
C’est faux.
Il naît bien avant — au fond d’un atelier qui respire le bois, la résine et les secrets.
L’endroit n’est pas banal : une ancienne centrale hydroélectrique de 1826, où l’eau a longtemps sculpté la pierre avant de céder la place aux mains d’un artisan. Les murs y gardent une énergie particulière, presque mystique. Quand on pousse la porte, on a l’impression de déranger quelque chose de sacré.
Dans cette lumière douce, au milieu des moules, des copeaux et des silhouettes de boards accrochées au mur, le shaper observe.
Il ne touche rien. Il regarde.
Parce que tout commence là : dans l’attente du bon geste, de la courbe juste, de l’idée qui frappe sans prévenir.
Puis ça arrive.
Une étincelle. Un frisson.
Son œil s’allume, comme si sa vision se précisait soudain. Il sait. Il sent que les lignes qu’il cherche depuis des jours viennent de se révéler. La board existe déjà dans sa tête, encore floue mais vibrante, prête à éclore.
Alors il attrape son carnet — celui taché d’époxy et d’histoires — et trace les premières esquisses. Des lignes rapides, instinctives, presque animales. C’est le premier souffle. Ensuite vient l’ordinateur, la précision, la mise au monde numérique de la forme qu’il a ressentie avant de la voir.
À ce moment-là, quelque chose naît.
Pas encore un snowboard.
Mais une promesse.
Une émotion qui se construit, patiemment, entre les mains d’un artisan qui sait que chaque courbe raconte une histoire — et que celle-ci est prête à commencer.
